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Éducation au Maroc : qui ose encore rêver l’école ?

  • Photo du rédacteur: Mehdi Salmi
    Mehdi Salmi
  • 18 oct.
  • 13 min de lecture

On parle souvent de réformer l’école. Mais qui ose encore la rêver ?


Avant d’être un bâtiment ou un programme, l’école est une idée — celle d’apprendre à devenir humain. Et cette idée, nous l’avons oubliée.


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Dans mon précédent article, « Éducation au Maroc : la boîte de Pandore », j’ai tenté d’ouvrir les plaies du système, d’en regarder la chair vive, sans détour.

 

Mais aujourd’hui, je veux parler autrement.

Je veux parler de ce qui palpite encore, sous les ruines.

Je veux parler de l’étincelle.

 

De cette école que j’imagine, que j’espère, que je vois parfois dans mes rêves :une école libre, humaine, inspirante.

 

Une école où l’on apprend à penser avant d’apprendre à obéir.

Une école qui n’enseigne pas la peur, mais la curiosité.

Une école qui forme des êtres conscients, pas des copies conformes.

 

Et si, pour une fois, on osait l’utopie ?

Et si on imaginait, ensemble, ce que pourrait être l’école marocaine de demain ?Pas celle des réformes et des décrets, mais celle du cœur, du sens et de la beauté.

 

Alors je rêve. Si j’étais enseignant, voici comment je transmettrais.

Voici l’école que j’aimerais voir renaître : l’école de l’utopie négligée.

 

 

Si j’étais professeur d’histoire-géographie…

Je commencerais par raconter le monde. Pas à travers les yeux des gagnants, ni sous le prisme du colonisateur, mais à travers notre propre regard — celui d’un peuple ancien, héritier d’un royaume millénaire. J’enseignerais l’histoire non pas comme une succession de conquêtes, mais comme un tissage d’âmes et de cultures. Comme une constellation où chaque civilisation éclaire l’autre.


Et quand viendrait le moment de parler du Maroc, je le ferais dans sa vérité entière — un pays pluriel, Amazigh, Africain, Arabe et méditerranéen.


Je dirais à mes élèves que le Maroc n’est pas né de la colonisation, mais bien avant  elle. Qu’il a offert au monde des penseurs, des poètes, des médecins, des bâtisseurs, des routes et des savoirs. Et surtout, que notre patrimoine, souvent éclipsé par les récits occidentaux, n’a rien à envier à ceux qui se croient au centre du monde.


Je leur apprendrais que notre identité Amazigh n’est pas une appartenance secondaire, mais une racine ancienne, inscrite dans notre ADN collectif.

 

Je les instruirais à lire l’histoire avec leurs propres yeux, pour qu’ils puissent ensuite l’écrire avec leur propre voix.

 

Et la géographie, je la ferais marcher. Nous sortirions dehors, nous observerions le relief, les ombres, la terre, le vent. Parce qu’on n’enseigne pas la géographie depuis une carte : on l’enseigne depuis le monde.

 

 

Si j’étais professeur d’éducation islamique…

Comment pourrais-je prétendre enseigner la religion sans avoir une connaissance profonde de toutes les religions ? Comment parler de tolérance sans avoir lu la Torah, l’Évangile, la Bhagavad-Gita ?

 

Si j’étais professeur d’éducation islamique, je ne réciterais pas, je questionnerais.

Je lirais les sourates comme on lit des poèmes, j’en expliquerais la beauté, la grammaire, la sagesse.

 

Je rappellerais que la foi n’est pas un réflexe, mais une conscience. Et qu’un bon professeur d’éducation islamique, avant tout, doit être un chercheur, un lecteur, un humaniste.

 

 

Si j’étais professeur de mathématiques…

Je n’enseignerais pas seulement des équations et des formules. J’apprendrais à mes élèves à voir la beauté cachée dans la logique. Je leur montrerais que les nombres ne sont pas froids : ils respirent, ils dansent, ils se répètent comme un battement de cœur dans la nature. J’aimerais leur parler de la suite de Fibonacci, de cette spirale qu’on retrouve dans les coquillages, les tournesols, les galaxies… Parce qu’au fond, les mathématiques ne servent pas seulement à calculer, mais à comprendre l’harmonie du monde.

 

 

Si j’étais professeur de physique-chimie…

Je me souviendrais que la science n’est pas une suite de lois à réciter, mais un acte d’émerveillement. Et pour émerveiller, il faut soi-même être curieux. Je leur ferais voir les couleurs d’une réaction, écouter le silence d’une expérience, deviner les forces invisibles. Mais pour cela, il faudrait que je cherche encore. Que je sois formé à la fois à la rigueur et à la poésie du monde.

 

 

Si j’étais professeur des sciences de la vie…

Je leur ferais toucher la terre, sentir les feuilles, écouter les insectes.

Mais pour cela, il faudrait que moi-même je connaisse la nature, pas dans les manuels, mais dans les montagnes, les champs, les jardins. Comment enseigner la vie sans la fréquenter ? Là encore, la pédagogie uniforme échoue : on enseigne la biologie comme on enseigne les mathématiques, alors que c’est une matière du vivant.  Elle demande une pédagogie organique, sensible, empirique.

 

 

Si j’étais professeur de langue Arabe…

Si j'étais professeur d'arabe, je ne commencerais pas par la grammaire, mais par la magie. Par la musique des mots qui ont traversé les siècles. Je ferais revivre, surtout pour les plus jeunes, ces comptines et chansons enfantines qui ont bercé nos parents, nos grands-parents et la lignée de ceux qui les ont précédés – perpétuant ainsi une transmission transgénérationnelle inestimable. Je voudrais que mes élèves sentent cette langue avant de l'analyser, qu'ils tombent amoureux de ses sonorités avant d'en décortiquer les règles. Car l'arabe n'est pas qu'une langue, c'est un patrimoine vivant, une mémoire affective. Le professeur devrait en être un passeur, émerveillé, pas un gardien de musée. Et c'est précisément parce que nous formons des gardiens que nos élèves fuient les langues - toutes les langues.

 

 

Si j’étais professeur de langue Française…

Je leur dirais que le français, au Maroc, n’est ni une honte ni une fierté : c’est un outil.

Mais pour l’enseigner, il faut l’aimer. Pas comme un héritage imposé, mais comme une fenêtre ouverte. Je leur ferais lire la littérature francophone d’Afrique, d’Haïti, du Maghreb. Je leur montrerais qu’une langue vit par ce qu’on en fait, pas par ce qu’on en reçoit.



Si j’étais professeur de langue Anglaise…

Je leur ferais comprendre que l’anglais, ce n’est pas juste une compétence : c’est une clé. Mais pour transmettre cette clé, il faut soi-même s’en être servi. Regarder des films en VO, lire Shakespeare et Maya Angelou, écouter la pop culture comme un langage du monde.

 

 

Si j’étais professeur de langue Amazigh…

Je n’enseignerais pas seulement une langue, mais une mémoire. Je parlerais des montagnes, des mots qui sentent la terre, des chansons qui ont traversé les siècles. J’apprendrais à mes élèves à entendre ce que notre langue raconte du monde : la patience, la fierté, le lien avec la nature et les ancêtres. Car enseigner l’Amazigh, c’est rappeler que la diversité n’est pas une menace, mais une richesse vivante.

 

 

Si j’étais professeur d’économie…

Je leur apprendrais à penser avant de compter. Mais pour cela, il faut avoir expérimenté le monde du travail, l’entreprise, la précarité, la richesse. L’économie ne se comprend pas depuis un bureau, mais depuis la rue. Et c’est bien là le problème : nos enseignants sont formés hors du réel.  Comment peuvent-ils enseigner la société sans y être ancrés ?

 

 

Si j’étais éducateur sportif…

Je ne leur apprendrais pas à gagner.

Je leur apprendrais à persévérer. Mais pour transmettre ça, il faut avoir compris la valeur de l’effort, du collectif, du respect. On enseigne souvent le sport comme une matière physique. Mais c’est une école morale. Une école du rythme, du courage, du dépassement.

 

 

Si j’étais professeur d’art…

Je ne corrigerais pas les élèves : je les écouterais. Je leur dirais que créer, c’est apprendre à se comprendre. Mais comment enseigner l’art dans un cadre où tout doit être mesuré, normé, validé ?

 

C’est là, peut-être, le fond du problème. On applique la même pédagogie à toutes les disciplines, alors que chaque matière appelle une respiration différente. On enseigne la peinture comme on enseigne la grammaire. On évalue la créativité comme on évalue une démonstration.

 

Et pourtant, c’est dans la liberté que naît le génie. L’art, l’histoire, la philosophie, la foi, la langue… toutes exigent des pédagogies singulières. Une école qui refuse cette singularité, refuse la vie.

 

 

Si j’étais professeur d’éducation civique et citoyenne…

Je n’enseignerais pas seulement les droits et les devoirs. J’essaierais d’incarner la citoyenneté au quotidien — dans la façon d’écouter, de débattre, de respecter la parole de l’autre.


Je rappellerais que la citoyenneté ne se limite pas à voter ou à obéir à la loi, mais qu’elle commence dans les gestes les plus simples : jeter ses déchets au bon endroit, respecter une file d’attente, parler avec bienveillance.


Je rappellerais aussi que la citoyenneté, c’est une manière d’habiter le monde avec conscience. Et j’apprendrais à mes élèves que la responsabilité collective commence toujours par une petite victoire personnelle sur soi.

 


Mais si rêver la manière d'enseigner est essentiel, n'oublions pas de rêver d'abord la manière d'apprendre. Parce que l'école, avant tout, appartient à ceux qui la vivent de l'intérieur : les élèves. Et si nous placions l'élève au centre de ce rêve ?



Si je rêvais l’école à travers leurs yeux…

Je rêverais d’une école gratuite, digne et accessible à tous, où les enfants des campagnes et ceux des villes auraient le même droit à la lumière, à la connaissance, à la curiosité.

Une école où les plus pauvres n’auraient plus à choisir entre apprendre et subvenir, où aucun élève ne serait humilié pour n’avoir pas payé une cotisation ou acheté un cahier à la bonne couverture.

 

Je rêverais d’une école propre, respirable, accueillante, avec des toilettes entretenues, des classes aérées, des murs qui ne suintent plus l’abandon.

Une école où les jeunes filles pourraient vivre leurs premières menstruations sans honte ni peur, accompagnées, comprises, respectées.

 

Et si, dans cette école rêvée, on osait parler du corps — sans gêne, sans honte, sans tabou. Une éducation à la vie, à la santé, à la relation. Où les jeunes filles apprendraient à comprendre leur corps, et les garçons à le respecter. Une école où l’éducation sexuelle ne serait pas un mot interdit, mais une leçon de dignité et d’humanité. Parce que le silence n’a jamais protégé personne ; il n’a fait qu’entretenir la peur, la confusion, ou la violence.

Je rêverais d’une école inclusive, où les enfants en situation de handicap ne seraient plus des exceptions à gérer, mais des élèves à part entière. Où des rampes d’accès remplaceraient les marches infranchissables, et où chaque regard serait une invitation à appartenir.

 

Je rêverais d’une école avec une infirmière, un psychologue, un assistant social. Un lieu d’écoute et de protection, où l’on pourrait parler quand on souffre, où l’on ne laisserait plus un enfant traverser seul ses blessures, ses peurs, ou la cruauté des autres.


Et si, dans cette école, on arrêtait de demander aux élèves le métier de leurs parents ?

Parce que ces questions, en apparence anodines, creusent des murs invisibles entre les enfants — les uns fiers, les autres gênés. Une école où le mérite ne se mesurerait pas à l’adresse d’un père ou au salaire d’une mère, mais à la lumière que chacun porte en soi.

 

Je rêverais aussi d’un système de recyclage des manuels scolaires, pour qu’un livre puisse avoir plusieurs vies, plusieurs élèves, plusieurs histoires. Et d’un repas chaud, simple, fraternel, partagé — non pas une cantine, mais un moment de communauté où l’on apprendrait que manger ensemble, c’est aussi apprendre à vivre ensemble.

 

Une école où l’on cultiverait le respect du vivant, de soi et des autres. Où l’on apprendrait à dire bonjour, à écouter, à s’excuser. Une école qui ne note pas seulement les résultats, mais la façon d’être au monde.

 

Mais rêver l’école, ce n’est pas seulement rêver la classe. C’est rêver tout ce qui gravite autour : ceux qui forment, ceux qui décident, ceux qui imaginent les programmes, ceux qui accompagnent.

 

L’école, c’est un écosystème : un souffle collectif, un équilibre fragile entre ceux qui enseignent, ceux qui apprennent et ceux qui décident.

 

Alors, si j’étais du côté de…

 

Ceux qui forment les enseignants, je commencerais par leur parler du feu. Pas celui des programmes, mais celui du cœur. Je leur rappellerais que l’enseignement n’est pas un métier, c’est une transmission d’âme à âme. Qu’avant d’être un savoir, c’est une manière d’être au monde. Je leur dirais que le plus beau des enseignants n’est pas celui qui brille, mais celui qui éclaire.

 

Ceux qui conçoivent les programmes, je commencerais par une question simple :

à qui parlons-nous ?

 

À des enfants marocains, héritiers d’une culture plurielle, amazighe, arabe, africaine, méditerranéenne, et pourtant uniques. Alors je tisserais un programme à leur image : enraciné et ouvert. J’y ferais dialoguer Ibn Rochd et Aimé Césaire, Fatima Mernissi et Kateb Yacine, Ahmed Sefrioui et Tahar Ben Jelloun. J’y réhabiliterais nos langues, nos poètes, nos artisans de pensée. 

 

J’oserais inventer de nouvelles matières car notre école manque de souffle, pas de savoir. Parce que trop souvent, on apprend à répondre avant même d’avoir appris à questionner.

 

Je créerais d’abord une matière de culture générale, une matière transversale, où l’on apprendrait à relier les points entre l’histoire, la littérature, la politique, les arts et la vie quotidienne. Une matière où la curiosité serait une vertu, pas un défaut.

 

J’ajouterais aussi une matière sur la critique, mais pas la critique pour critiquer — la critique comme un art de penser, de remettre en question, de comprendre avant de juger. Une discipline qui apprendrait aux élèves à dire « je ne sais pas », et à faire de cette ignorance une porte, pas un mur.

 

Je réintroduirais la philosophie, non pas comme une matière élitiste réservée aux terminales, mais comme une respiration dès le plus jeune âge. Une école sans philosophie, c’est une école sans miroir. C’est priver les enfants du droit de douter, de questionner, de se chercher. J’aimerais qu’on apprenne à philosopher dès l’école primaire, pas pour citer Platon ou Descartes, mais pour poser des questions simples et essentielles : Pourquoi obéir ? Pourquoi être juste ? Qu’est-ce que la beauté ? Qu’est-ce que le bonheur ? Parce que la philosophie, c’est apprendre à penser par soi-même avant de penser comme les autres. Et dans un monde saturé d’opinions, penser devient un acte de résistance.

 

Je rêverais aussi d’une matière sur l’expression artistique, où l’on parlerait d’histoire de l’art, mais aussi de graffiti, de slam, de rap, de cinéma, où l’on apprendrait à traduire ses émotions en images, en mots, en sons. Parce qu’on n’apprend pas à créer pour devenir artiste, on apprend à créer pour devenir soi.

 

Et puis, une matière sur le patrimoine marocain. Là, je ferais visiter aux élèves les médinas, les oasis, les gravures rupestres, les kasbahs, les chants et les gestes. Je leur dirais que le patrimoine, ce n’est pas ce qui dort dans les musées, c’est ce qui continue de respirer en nous. Et je leur parlerais aussi du patrimoine amazigh : des symboles, des tissages, des contes, des poèmes et des mots anciens qui nous rappellent d’où nous venons. 

 

Enfin, peut-être une matière de vie, où l’on parlerait de santé mentale, de respect de soi, de rapport à la nature, où l’on apprendrait à respirer, à écouter, à se taire aussi parfois. Parce qu’avant de construire des citoyens, il faut d’abord apprendre à construire des humains.

 

Et si j’étais décideur politique, je ferais du ministère de l’Éducation un espace vivant. Un lieu de rêve et de courage. J’y inviterais des enseignants de terrain, des artistes, des psychologues, des philosophes. J’écouterais les enfants. Je m’inspirerais des modèles qui ont réussi — l’école nordique, l’école japonaise — tout en y inscrivant notre propre génie. Et je cesserais de voir l’éducation comme un fardeau budgétaire : je la verrais comme la plus belle des richesses nationales.

 

Mais surtout, je commencerais par revaloriser ceux qui en portent les fondations : les enseignants du primaire. Ceux qui, chaque matin, apprennent à lire, à compter, à rêver. Ceux qui, souvent dans des conditions précaires, forgent le socle invisible sur lequel tout un pays repose. Je leur donnerais la reconnaissance qu’ils méritent, la sécurité, la considération, la joie de se sentir essentiels. Parce qu’un enfant ne peut s’élever que si celui qui lui tend la main se tient debout.

 


Et si… simplement, on rêvait ensemble ?


L’éducation, au fond, n’est ni une science exacte ni une affaire d’État. C’est un acte d’amour et un acte de courage. Nous avons cru qu’il suffisait de réformer, de moderniser, de former. Mais une école ne se réforme pas seulement : elle se respire, elle s’habite, elle se rêve ensemble.


Si nous voulons que les générations qui viennent soient plus libres, plus conscientes, plus sensibles, plus responsables, il faut leur enseigner non pas quoi penser, mais comment regarder. Regarder le monde, les autres, soi-même.


Je sais bien que mes mots ne sentent pas la craie ni la poussière des classes. 

Qu’ils n’ont pas connu la fatigue des copies, ni le vacarme des cours où la passion s’éteint parfois sous le poids des programmes. 

 

Je sais que je ne suis pas du terrain. Je le sais, et je l’admets humblement. 

Alors oui, peut-être que mes idées paraîtront naïves à ceux qui affrontent chaque jour la réalité. Mais si rêver l’école est une naïveté, alors j’y tiens. Parce qu’avant chaque changement réel, il y a toujours eu quelqu’un qui a osé rêver à voix haute pour que d’autres commencent à y croire.

 

La triste réalité est que nos enseignants se battent, chaque jour, contre un système rigide, épuisant, parfois même vampirique. Un système qui finit par aspirer la passion de ceux qui veulent simplement transmettre la lumière. Certains démissionnent de leur poste, d’autres démissionnent en silence, de leur vocation.

 

Et malgré tout, beaucoup tiennent. Ils tiennent, parce qu’ils croient encore que chaque élève peut devenir un monde.

 

Et d’ailleurs, si j’ai pu tracer mon chemin, c’est grâce à ces femmes et ces hommes qui ont rêvé. Qui ont cru, un jour, que j’étais capable de plus que je ne pensais. Car, et je suis fier de la rappeler, je suis moi-même, un pur produit de l’école publique marocaine.

 

À eux, je veux dire merci. Merci pour votre pédagogie lumineuse. Merci pour votre rigueur bienveillante. Merci pour votre foi inébranlable dans la curiosité.

 

Mais je me dois de rappeler qu’il faut aussi se regarder agir. Parce qu’au Maroc comme partout ailleurs, l’éducation ne commence pas au banc de l’école, elle commence dans la rue, dans la maison, dans la manière d’attendre son tour, de parler à l’autre, de respecter ce qui nous entoure.

 

Et un enseignant a beau être brillant, érudit, passionné — mais s’il perpétue les petits gestes d’incivisme qui gangrènent notre quotidien, il cesse d’être un modèle. Car un modèle, faut-il le rappeler est censé incarner la cohérence entre le savoir et le comportement.

 

Et que dire de nos modèles qui hélas, tout simplement, ne sont plus.

 

Les maîtres d’hier ne portent plus de craie sur les doigts, mais des filtres et des sponsors. Et c’est alors à nous, créateurs, artistes, influenceurs, enseignants — tous confondus — de redonner au mot “influence” un peu de conscience. Car éduquer, c’est influencer, et influencer, c’est éduquer. La responsabilité est la même.


Et puis, peut-être qu’il suffit de regarder ailleurs pour comprendre que notre utopie n’est pas si folle. 


Au cœur de la vallée d'Aït Bouguemez, dans le Haut Atlas, le couple germano-marocain Stefanie « Itto » Tapal et Haddou Mouzoun a créé le Campus Vivant'e. Cette école primaire, reconnue par l'État marocain, fait rimer apprentissage avec le rythme de la nature. Ici, le jeu, l'écoute et la curiosité deviennent les véritables matières. Modeste par sa taille, immense par son ambition, elle prouve que le changement éducatif n'a pas besoin de décret — juste de courage.


Parce qu’avant d’attendre une réforme nationale, il faut réapprendre à croire en l’école locale, en la classe, en l’enseignant du coin, en l’enfant du douar. C’est là que naît l’avenir.

Oui, c’est une utopie et j’ignore si elle prendra forme. Mais toute renaissance commence par une utopie. Mais si elle doit naître quelque part, alors qu’elle naisse ici, dans le regard d’un enfant marocain, dans la voix fatiguée mais sincère d’un professeur, dans le geste d’un passant qui, simplement, ramasse un papier tombé à terre.

 

Le Maroc de demain ne viendra pas d’en haut. Il viendra du bas — de celles et ceux qui auront choisi de croire encore à la transmission, à l’exemple, et à la beauté simple du mot “enseigner”.

 


 
 
 

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